« Laissez les filles garder leur trésor » : le combat de Fatouma contre les mutilations génitales féminines à Ali-Sabieh

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Dans une petite salle de consultation de l’hôpital régional d’Ali-Sabieh, au sud de Djibouti, Fatouma Iyeh Migueh accueille ses patientes avec un sourire bienveillant. À 49 ans, cette matrone chevronnée exerce depuis des décennies, mais certaines douleurs, dit-elle, ne cessent de la bouleverser.
« Chaque semaine, je reçois environ 200 jeunes mariées. Beaucoup d’entre elles viennent pour la même raison : elles ont été excisées, et ne parviennent pas à avoir une relation avec leur mari. Elles demandent une intervention pour ‘réparer’ leur corps, souvent la veille de leur nuit de noces », raconte Fatouma, le regard grave.
À l’occasion de la Journée Internationale de Tolérance Zéro à l’égard des mutilations génitales féminines (MGF), célébrée le 6 février 2025, Fatouma partage son témoignage dans l’espoir de briser le silence. Cette année, le thème est clair : « Accélérer le rythme : Renforcer les alliances et créer des mouvements pour mettre fin aux MGF ». Et c’est précisément ce qu’elle s’efforce de faire, jour après jour, dans cette région de l’intérieur encore profondément marquée par cette pratique.

Les conséquences des MGF sur la santé des femmes sont nombreuses. « Certaines jeunes filles viennent avec leur mère, elles souffrent de troubles menstruels, souvent à cause des cicatrices internes. Les mères, elles-mêmes excisées, veulent comprendre ce qui arrive à leur fille, et elles commencent à remettre en question ce qu’elles ont subi », explique-t-elle. Ce changement de regard, Fatouma le juge essentiel : « La prise de conscience commence souvent par l’amour d’une mère pour sa fille. »
Les cas les plus graves se présentent souvent en salle d’accouchement. « Il n’y a pas assez d’espace pour laisser passer le bébé. Cela peut provoquer un manque de liquide amniotique, ou nécessiter une césarienne en urgence. Dans les pires cas, la mère perd énormément de sang. Certaines ne survivent pas. »
Pour répondre à ces drames, l’hôpital régional d’Ali-Sabieh offre des soins spécifiques aux filles et femmes victimes des MGF : arrêt des hémorragies, traitement des infections liées à l’utilisation de matériel non stérilisé, et un accompagnement psychosocial pour aider les survivantes à se reconstruire.

Mais Fatouma sait que les soins ne suffisent pas. Elle est aussi messagère de changement, surtout auprès des familles. « Je parle aux mères, mais surtout aux grands-mères. Ce sont souvent elles qui prennent la décision. Je leur dis que ce n’est ni une obligation religieuse, ni une tradition bénéfique. C’est une souffrance inutile. »
Et puis, elle leur dit aussi, avec des mots simples et puissants : « Laissez les filles garder leur trésor. Ne l’abîmez pas. Laissez-les découvrir la vie de femme sans douleur, sans honte. »
En cette journée de mobilisation mondiale, Fatouma nous rappelle que les vraies héroïnes sont celles qui, dans l’ombre, écoutent, soignent, et osent dire non. Grâce à elles, le changement est en marche.
L’UNICEF œuvre avec ses partenaires institutionnels ainsi qu’avec les organisations de la société civile afin de mettre fin à une pratique qui touche encore beaucoup trop de jeunes filles dans le pays, grâce notamment à la collaboration et l’apport du Programme Global conjoint UNFPA-UNICEF sur les mutilations génitales féminines – Phase IV (2022-2030), qui vise à éradiquer cette pratique d’ici à 2030.
Ecrit par Mohamed Daoud Adbara, Chargé de programmes, Protection de l’enfance.