Un séminaire international pour définir une vision partagée
Du 9 au 11 février 2025, Djibouti a accueilli un séminaire international consacré à la création de son futur musée national. Organisé et financé par l’Agence nationale de promotion de la culture (ANPC), avec l’appui technique de l’antenne de l’UNESCO à Djibouti et en collaboration avec le think tank AFROSPECTIVES, l’événement a réuni des experts venus d’Afrique, des Caraïbes, du Brésil, ainsi que des professionnels et décideurs djiboutiens issus de divers horizons institutionnels.
Ce séminaire visait à jeter les fondations conceptuelles et méthodologiques d’un musée capable de valoriser les patrimoines matériels et immatériels de Djibouti, tout en s’inscrivant dans le cadre des conventions culturelles de l’UNESCO, notamment la Convention de 1970 sur la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, ainsi que les recommandations sur la protection des musées (2015) et sur le statut de l’artiste (1980).
La création d’un musée national n’est pas envisagée comme un simple projet d’infrastructure, mais comme une démarche de souveraineté culturelle, de transmission intergénérationnelle et de cohésion sociale. Dans son discours d’ouverture, Mohamed Houssein Doualeh, Directeur général de l’ANPC, a souligné l’ambition de doter le pays d’un musée vivant, éducatif et accessible, à la fois ancré dans la mémoire collective et ouvert sur le monde.
Idyle Moussa Iye, Cheffe de l’antenne de l’UNESCO à Djibouti, a rappelé que l’Organisation continuera d’accompagner ce processus à travers ses conventions, ses recommandations et son expertise. Elle a insisté sur l’importance d’une approche inclusive, où la diversité culturelle, les langues nationales, les savoirs endogènes et les expressions artistiques djiboutiennes trouvent pleinement leur place.
Des contributions africaines et caribéennes inspirantes
Le séminaire a été enrichi par les interventions d’experts de haut niveau venus du Sénégal, du Mali, de la Côte d’Ivoire, d’Afrique du Sud, de la Barbade, de Jamaïque et du Brésil. Leurs expériences ont illustré la diversité des formes muséales en Afrique et dans les diasporas : musées communautaires, lieux de mémoire, institutions numériques, musées itinérants ou musées sans collection permanente.
Toutes ont défendu une vision dynamique du musée comme espace de dialogue, d’éducation citoyenne et de justice sociale. Elles ont montré que, loin d’être figé, le musée contemporain est un lieu d’expérimentation, de narration partagée et de mise en valeur des héritages culturels souvent marginalisés.
Une réflexion collective ancrée dans le contexte djiboutien
Les ateliers thématiques ont permis de dégager une vision cohérente et ambitieuse du futur musée national de Djibouti. Les spécificités historiques, culturelles et géographiques du pays — le nomadisme, l’oralité, la diversité linguistique, l’artisanat, les circulations anciennes entre Afrique, monde arabe et Océan Indien — ont été identifiées comme des éléments fondateurs du récit muséal à construire.
Les participants ont souligné la nécessité d’un musée modulable, inclusif, interactif, capable de dialoguer avec toutes les générations. Ils ont également insisté sur l’importance de prévoir une dimension territoriale : expositions itinérantes, décentralisation, lien avec les régions, appui à la formation, implication active des communautés.
Le séminaire a permis de revisiter les nombreuses démarches entreprises depuis l’indépendance pour doter Djibouti d’un musée. Si ces initiatives n’ont pas abouti à une institution permanente, elles ont posé des jalons importants. Leur relecture a nourri une réflexion lucide sur les conditions de faisabilité, de légitimité et de durabilité du projet actuel.
En tirer les enseignements permet d’éviter les écueils passés et de capitaliser sur les ressources disponibles — humaines, historiques et patrimoniales — pour construire une dynamique collective solide.
Un musée pour aujourd’hui et pour demain
Les recommandations issues du séminaire dessinent une feuille de route pragmatique et ambitieuse. Elles prévoient la mise en place d’un comité scientifique indépendant, la révision du cadre légal et réglementaire, la conduite d’un inventaire des objets culturels djiboutiens à l’étranger, ainsi que l’organisation d’une campagne nationale de collecte patrimoniale.
Des actions de sensibilisation, telles que des expositions temporaires, des ateliers éducatifs ou des programmes numériques, permettront de préparer les publics et d’ancrer le musée dans les usages dès les premières étapes. Dans son discours de clôture, la Ministre de la Jeunesse et de la Culture, Dr Hibo Moumin Assoweh, a salué la qualité des échanges et affirmé la volonté du gouvernement de porter ce projet à terme avec rigueur et ouverture.
Légende: Clôture de l’Atelier sous l’égide de Dr Hibo Moumin Assoweh – Ministre de la Jeunesse et de la Culture.
Avec le soutien de l’UNESCO, la République de Djibouti engage ainsi une nouvelle étape dans la valorisation de son patrimoine et l’expression de son identité culturelle. Le musée en devenir sera un lieu de mémoire active, de dialogue intergénérationnel, d’ancrage territorial et d’ouverture au monde — un musée pour aujourd’hui, et pour demain.