Comment la violence basée sur le genre incite à la migration le long de la route de l’Est
Obock, Djibouti
Avec sa fille de quatre ans et son bébé de six mois, Fatimah*, 31 ans, a entrepris un périple sous le soleil brûlant du désert au nord d’Obock, dans l’espoir d’atteindre les pays du Golfe à la recherche d’opportunités de travail.
« Notre périple a duré 4 mois, principalement à pied. J’ai eu peur de mourir en chemin. »
Au Centre d'Orientation et d'Assistance aux Migrants de la ville d’Obock, située au nord de Djibouti, Fatimah se confie sur les conditions de son périple et sur les raisons qui ont motivé son départ.
Dans un monde où près d’une femme sur trois est confrontée à la violence fondée sur le genre, l’histoire de Fatimah sort du lot. Elle était veuve et mère de deux fils lorsqu’elle a épousé son mari actuel, avec qui elle a eu une fille. Fatimah explique comment l’incessante maltraitance de son nouveau mari, ajoutée à l’absence de moyens pour subvenir aux besoins de ses enfants, l’ont poussée à entreprendre ce dangereux périple à deux reprises.
La première fois qu’elle a tenté le voyage, c’était il y a un peu plus d’un an, poussée par l’hostilité de son mari à l’égard de ses deux fils aînés. Pour les protéger, elle les a confiés à sa mère âgée, qui allait maintenant devoir subvenir à leurs besoins. Laissant sa petite fille avec son mari, elle a pris le chemin de la Route de l’Est pour tenter de trouver du travail de l’autre côté du détroit de Bab-el-Mandeb, dans la péninsule arabique.
Bien que nettement moins nombreuses que les hommes, les données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) montrent que le nombre de femmes entreprenant ce périple a doublé ces deux dernières années, passant de 53 000 en 2021 à 106 000 en 2022. En juin 2023, les femmes et les filles représentaient 23 pour cent de toutes les personnes présentes le long de la Route de l’Est (contre 32% en 2022).
Fatimah fait remarquer que les femmes marchent souvent ensemble et suivent généralement un groupe d’hommes d’assez près pour les appeler à l’aide.
Les forces de Fatimah s’épuisaient de jour en jour. Vers Tadjourah, sur la côte djiboutienne, la patrouille sanitaire mobile de l’OIM, l’a trouvée complétement épuisée. Elle a été amenée à la clinique du Centre d'Orientation et d'Assistance aux Migrants et a vite été informée par le personnel médical qu’elle était enceinte. Elle a reçu de soins et a pu rentrer en Éthiopie, grâce au programme d’aide au retour volontaire de l’OIM.
Sa décision de rentrer était un soulagement par rapport aux dangers du désert mais elle s’est retrouvée dans la même situation qui l’avait poussée à partir. Son mari l’a mise dehors, doutant qu’il soit le père de leur enfant à naître et a renié leur fille, forçant Fatimah à s’occuper seule de ses quatre enfants et de sa mère âgée.
« Je serais restée si j’avais eu le choix », déclare Fatimah.
Convaincue de n’avoir d’autre choix que de quitter son domicile à la recherche d’un avenir meilleur pour elle et sa famille dans les pays du Golfe, Fatimah est de nouveau partie, deux mois après la naissance de son fils, prenant sa fille et son bébé avec elle cette fois-ci.
« Les autres femmes m’ont aidée en chemin. »
Toutefois, à l’approche d’Obock, de plus en plus inquiète pour la survie de ses enfants, elle a dû de nouveau demander l’aide du Centre d'Orientation et d'Assistance aux Migrants de l’OIM.
« Les difficultés étaient trop nombreuses : la soif, la faim, les risques de torture infligée par les passeurs, j’avais très peur pour mes enfants. »
Fatimah fait partie des 336 femmes et filles aidées par le Centre d'Orientation et d'Assistance aux Migrants de l’OIM en 2023. La migration irrégulière expose les femmes et les filles à un risque accru de violences basées sur le genre - VBG. Cependant, cette violence est souvent peu signalée en raison de la crainte de représailles et de la stigmatisation sociale. Les risques et conséquences de la violence fondée sur le genre sont aggravés pour les femmes en manque de moyens de subsistance, comme Fatimah.
Ancrée dans le plan stratégique récemment dévoilé, la réponse de l’OIM vise à sauver des vies et à protéger les migrants, à faciliter des voies de migration régulières pour permettre aux personnes comme Fatimah d’accéder à l’emploi sans risque et à trouver des solutions aux déplacements.
Dans le cadre de la protection des personnes en déplacement, le Centre d'Orientation et d'Assistance aux Migrants offre des services de protection appropriés, une aide médicale, des soins psychosociaux, de la nourriture et un abri aux migrants en situation difficile. Le Centre fait partie de la mise en œuvre du Plan de réponse pour les migrants dans la corne de l’Afrique et le Yémen, qui comprend des interventions humanitaires et une protection vitales afin de soutenir les communautés d’origine, de transit et de destination. Un appel de fonds est en cours car le plan souffre toujours d’un déficit de financement de plus de 80 pour cent.
Continuer à sensibiliser contre les violences basées sur le genre est essentiel pour la protection des femmes et des filles, une priorité pour l’OIM, comme l’a souligné la Directrice générale de l’Organisation, Amy Pope. La violence fondée sur le genre est l’un des domaines de l’aide humanitaire les moins financés pour l’OIM, laissant des millions de femmes et de filles sans accès aux services et aux programmes de prévention.
L’OIM continue d’être en première ligne pour aider les personnes dans le besoin, et plaide vigoureusement pour le renforcement des services multisectoriels visant à soutenir les survivantes de violence fondée sur le genre. Il est essentiel d’investir dans les efforts visant à atteindre les Objectifs de développement durable d’ici 2030.
Créé en 2011, le Centre d'Orientation et d'Assistance aux Migrants est actuellement financé par le Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne pour l’Afrique, le Bureau de la population, des réfugiés et des migrations des États-Unis, l’Agence suédoise de coopération internationale au développement et les gouvernements français et norvégien. Ce soutien s’aligne sur le Plan régional de réponse pour les migrants de la corne de l’Afrique se dirigeant vers le Yémen et l’Afrique australe.