Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite
L’éradication de la poliomyélite fait partie intégrante des programmes prioritaires à Djibouti.
De ce fait, nous sommes allés à la rencontre des personnes en charge de ce programme.
Moussa Traoré est l’épidémiologiste de terrain venant de l’Initiative Mondiale pour l’éradication de la poliomyélite, un programme en partenariat avec l’Organisation Mondiale de la Santé.
Rôle d’un épidémiologiste de terrain
Avant une surveillance environnementale, Moussa et ses collègues commencent par la surveillance des cas de PFA (paralysie flasque aiguë). Ce sont des paralysies qui surviennent de façon très rapide à savoir 72heures après l’apparition des premiers signes comme des douleurs au niveau des membres inférieurs et supérieurs du bébé. Cette surveillance se fait au niveau des formations sanitaires.
Moussa Traoré « Au sein même de ces centres de formation, on consulte au préalable le registre à la recherche des cas de PFA. Cela nous permet d’adapter et d’aiguiser les formations et les campagnes de sensibilisation pour qu’elles soient en adéquation avec les besoins du terrain ».
Pour rappel, il existe 3 groupes de centres de formation sanitaires à Djibouti :
- Formation sanitaire de haute priorité : les formations sont données 1 fois par semaine. C’est le cas de l’hôpital Peltier !
- Formation sanitaire de moyenne priorité : 1 fois toutes les deux semaines
- Formation sanitaire de faible priorité : 1 fois par mois
« Il existe également une autre approche pour informer et sensibiliser les communautés. Djibouti n’est pas en reste comme dans beaucoup de pays d’Afrique, les guérisseurs traditionnels sont des leaders d’opinion souvent écoutés et appelés pour guérir des enfants en bas âge. Ces guérisseurs, ou communément appelé ,‘’tradi-thérapeutes’’ prennent souvent en charge les cas de PFA plus particulièrement dans les régions » ajoute Moussa Traoré.
Les épidémiologistes : au cœur des programmes de vaccination en général, même Covid-19 ?
Dans un autre volet, les stopers appuient le programme élargi de vaccination, PEV, en prenant part aux séquences de vaccination, à la réception des vaccins, supervision des agents vaccinateurs ainsi que les actions de planification. Actuellement, nous sommes en support pour la campagne de vaccination.
« En effet, les stopers ont joué à l’échelle mondiale, un rôle déterminant dans la riposte sanitaire contre la pandémie. Ceci s’explique notamment dans nos participations régulières aux activités de vaccination supplémentaires aussi appelé les campagnes de vaccination de masse comme la lutte contre la rougeole, la rubéole et autres journées internationales de vaccination. De part notre expérience et la maîtrise du terrain, nous renforçons donc les systèmes du programme de vaccination élargi en soutien dans l’actuelle riposte sanitaire contre la Covid-19. D’ailleurs, actuellement, à Djibouti, nous allons activement apporter notre soutien à la campagne de sensibilisation contre la Covid-19 menée par le ministère de la santé en collaboration avec l’Unicef et OMS » nous explique-t-il.
La surveillance environnementale : une technique appropriée pour Djibouti
Dans la lutte contre le virus de la poliomyélite, la surveillance à Djibouti est pour l’instant sous-optimale : un fabuleux défi à relever pour l’ensemble des partenaires travaillant coude à coude pour mener à bien cette mission ! Pour renforcer le système de surveillance déjà existant, une surveillance environnementale a été mise en place pour une recherche plus poussée et spécifique du virus à travers les eaux usées.
Moussa Traoré précise « La surveillance environnementale sur le terrain est un autre procédé pilier dans la recherche du virus à travers les eaux usées.
Actuellement, nous effectuons en collaboration avec les équipes du ministère de la santé, l’ONEAD, du laboratoire de l’ISPD une dizaine de prises hebdomadaires sur deux sites à Djibouti à savoir la station d’épuration de Douda et le poste de renforcement de Arhiba » .
En aparté avec Dr Minh-Ly PHAM-MINH, Conseillère technique dans l’éradication de la poliomyélite
Durant le mois de Juillet, Dr Minh-Ly Pham-Minh a rejoint pour une courte mission le bureau de Djibouti pour superviser les activités liées à l’éradication de la poliomyélite.
Nous sommes allés à sa rencontre pour mieux comprendre les activités mises en place pour lutter contre ce virus.
Poliomyélite en Afrique : quelle est la situation sanitaire au sujet de la poliomyélite ?
Il faut savoir que, très récemment, un communiqué de la commission régionale de certification pour l’Afrique datant d’août 2021 a garanti que la région africaine quadrillée par l’OMS était exempte de poliomyélite sauvage après quelques années sans aucun cas détecté. A travers le monde, la transmission de la poliomyélite sauvage se poursuit dans deux pays seulement à savoir le Pakistan et l’Afghanistan !
« Djibouti est au carrefour stratégique au monde Arabe, avec, en face la péninsule arabique, et l’Afrique. Une petite enclave de paix qui partage ses frontières avec la Somaliland, l’Erythrée, l’Ethiopie et de l’autre côté, le Yémen. Avec les mouvements migratoires accentuées sur cette partie de la Corne de l’Afrique, une surveillance continue est nécessaire pour lutter contre le virus de la poliomyélite » ajoute Dr Minh-Ly.
Parlez-nous de cette surveillance : quel est son rôle ?
« Il faut savoir que la surveillance est un processus très efficace pour éradiquer la poliomyélite. La surveillance de la paralysie flasque aiguë aide à identifier les symptômes qui ont déjà fait surface. Quant à la surveillance environnementale, elle s’avère nécessaire dans la détection des cas non-déclarés » nous explique le Dr Minh-Ly.
A Djibouti, la surveillance environnementale est un procédé encore nouveau mais reste assez accessible et pratique à réaliser en collaboration avec toutes les antennes locales à savoir le ministère de la santé avec ces équipes du PEV, le laboratoire de l’ISPD, l’ONEAD et les agences onusiennes présentes comme l’OMS et Unicef. Cela consiste, de façon hebdomadaire, à récupérer à l’aide d’un seau un échantillon de l’eau usée présente dans les canalisations. Pour assurer une surveillance environnementale de qualité, il faut s’assurer de réunir l’ensemble des paramètres qui peuvent quelques fois être un challenge comme trouver le bon site d’extraction et ainsi mobiliser les équipes en ces temps de pandémie de la Covid-19 : ce qui a souvent repoussé les activités ces derniers mois. De plus, il est difficile de trouver un réseau de canalisation qui recouvre toute la ville : car, certaines populations n’ont pas accès à ces réseaux d’égouts.
Travail sur le terrain : transmission et partage d’expériences
Dr Minh-Ly, « Malgré quelques challenges, il était satisfaisant de constater durant mon séjour le grand intérêt et la prise d’initiative des équipes sur place pour réussir cette surveillance environnementale. Cette surveillance va se poursuivre de façon hebdomadaire dans le but de quadriller Djibouti-ville et les communes les plus proches pour cette première phase ».
Pour préparer, cette surveillance environnementale une journée de formation avec les équipes mobilisées pour cette mission a été organisé pour expliquer les procédés et la nécessité de la surveillance, le choix stratégique du site par rapport à la situation actuelle du pays et, surtout, les processus requis pour une collecte des données réussies.
« Les échantillons des eaux usées collectés sont ensuite envoyés vers le plus proche laboratoire dans la région à savoir l’institut de recherche médicale du Kenya (KIMRI) qui se situe à Nairobi. Depuis mon départ, les équipes continuent les différentes surveillances environnementales planifiées et nous sommes dans l’attente des résultats des collectes. Cela prendra du temps ! D’ici là, les collectes continuent sur le terrain avec les épidémiologistes de terrain de l’OMS Djibouti, notre collaborateur de l’ONEAD, les équipes de l’ISPD et les coordinateurs du PEV du ministère de la santé » précise-t-elle.