Djibouti s'adapte aux changements climatiques grâce aux digues et aux forêts
"Lors de l'inondation de 2019, je suis monté sur la digue pour voir ce qu'il se passait de l'autre côté. C'était effrayant."
Près du domicile d'Omar Gona, dans la ville de Tadjourah à Djibouti, se dresse un mur de trois mètres de hauteur et de cinq mètres d'épaisseur. Ce mur, qui pourrait être inesthétique aux yeux de certains, est en fait une aubaine pour la ville : il retient les pluies de mousson qui par le passé ont décimé la vie des habitants pendant des décennies.
"En 1994, le domicile de ma famille a été emportée par une grande inondation", raconte Omar Gona. "Depuis lors, ma famille a toujours vécu dans la crainte des inondations et, pendant les saisons des pluies, il nous arrive de fuir vers les montagnes et de laisser tous nos biens ici des jours durant."
Les changements climatiques entraînent des précipitations imprévisibles à Djibouti, les sécheresses et les inondations dévastatrices étant toutes deux des phénomènes en augmentation. À Tadjourah, une ville située sur les bords de l'océan Indien, les inondations causent des ravages sur les infrastructures et l'agriculture, perpétuant une pauvreté et une insécurité alimentaire généralisées.
Grâce à un financement du Fonds pour les pays les moins avancés du Fonds pour l'environnement mondial, le gouvernement prend des mesures d'adaptation aux changements climatiques. Les autorités, soutenues par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), ont fait construire un mur de près de 2 km de long, techniquement appelé digue, pour protéger le quartier d'Omar Gona, Marsaki contre les inondations.
Ces efforts ont été mis à l'épreuve lors de la mousson sans précédent de 2019, lorsque, selon des sources gouvernementales, 150 000 des 950 000 habitants de Djibouti ont eu besoin d'une aide humanitaire immédiate.
Cependant, dans le quartier d'Omar Gona, Marsaki, protégé par la digue, l'ensemble des 1 500 foyers ont été épargnés par la mousson. En revanche, Palmaré, un autre quartier de Tadjourah dépourvu de mur, a subi de graves dégâts.
"Depuis que la digue a été érigée, nous avons pu constater que notre quartier s'est développé", affirme Omar Gona. "Lors de l'inondation de 2019, j'ai suis monté sur la digue pour voir ce qu'il se passait de l'autre côté. La violence avec laquelle l'eau arrivait était incroyable. C'était effrayant. J'ai alors pris conscience du danger que ma famille avait évité."
Le succès de l'initiative a désormais conduit à l'approbation d'un projet beaucoup plus important, d'un montant de 10 millions de dollars, dans les régions de Tadjourah et de Dikhil à Djibouti. Soutenu par le PNUE et fondé sur un plan gouvernemental d'adaptation aux changements climatiques, il a pour but de renforcer davantage les infrastructures de défense contre les inondations.
Infrastructure verte et grise
Comme pour le projet en cours, la nouvelle initiative complétera les infrastructures dites "grises", telles que les digues, avec un élément complémentaire souvent oublié, l'infrastructure "verte". L'infrastructure "verte" est fondée sur des systèmes naturels ou semi-naturels et fournit des avantages similaires, dont les conséquences sur l'environnement sont positives à long terme.
Par exemple, le projet poursuivra les efforts du gouvernement pour restaurer les forêts de mangroves sur le littoral de Tadjourah, qui réduisent la hauteur et la force des vagues avant qu'elles n'atteignent le rivage, s'attaquant ainsi aux conséquences dangereuses des inondations et de l'érosion du littoral causés par la hausse du niveau de la mer.
Selon les experts, la pratique consistant à combiner les infrastructures grises et vertes pour s'adapter aux changements climatiques se répand rapidement dans le monde entier. Elle permet de protéger l'environnement et s'avère plus rentable que les seuls projets dits "gris".
C'est ce qu'a souligné le récent rapport du PNUE sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière d'adaptation aux changements climatiques. Les auteurs du rapport ont constaté qu'au Vietnam, par exemple, la restauration de 12 000 hectares de mangroves a permis d'économiser environ 7,3 millions de dollars par an en entretien de digues. Ce chiffre représente plus de six fois le coût de la plantation des mangroves.
Les habitants de Tadjourah affirment que les mangroves nouvellement plantées ont également stimulé l'économie locale.
"Les mangroves nouvellement restaurées contribuent à faire revenir les poissons qui vivaient ici", explique Omar Gona. "Maintenant, des touristes viennent visiter les forêts de palétuviers et cela nous rend heureux car la communauté locale peut leur vendre du thé et du café pour gagner un revenu supplémentaire."
Trente membres de la communauté locale reçoivent une formation à la plantation de mangroves afin d'assurer la durabilité à long terme du projet.
L'utilisation de solutions fondées sur la nature pour s'adapter aux changements climatiques est connue sous le nom d'adaptation fondée sur les écosystèmes. Le PNUE soutient actuellement plus de 45 projets de ce type dans le monde, qui visent à restaurer environ 113 000 hectares tout en bénéficiant à 2,5 millions de personnes.
Afin d'accélérer l'expansion de l'adaptation fondée sur les écosystèmes (EbA), le Fonds mondial pour l'adaptation fondée sur les écosystèmes a été lancé par le PNUE et l'Union internationale pour la conservation de la nature le mois dernier et pour fournir un capital de départ aux approches innovantes.
Une nouvelle ère pour l'adaptation
Le nouveau projet d'un montant de 10 millions de dollars mis en oeuvre à Djibouti intervient alors que la planète se prépare à célébrer la Journée mondiale de l'environnement, le 5 juin. Cette célébration de la planète Terre marque également le lancement officiel de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, un effort mondial d'une durée de dix ans visant à stopper et à inverser la destruction du monde naturel.
L'initiative menée à Djibouti s'inscrit également dans le cadre d'un mouvement mondial beaucoup plus vaste visant à faire de l'adaptation une approche essentielle de la lutte contre les changements climatiques. Comme le montre le rapport sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière d'adaptation aux changements climatiques, le nombre d'initiatives d'adaptation au niveau mondial augmente à un rythme considérable, avec près de 400 projets d'adaptation financés par des fonds multilatéraux au service de l'accord de Paris entrepris dans les pays en développement depuis 2006, la moitié d'entre eux ayant débuté après 2015.
De manière cruciale, lors du Sommet sur l'adaptation aux changements climatiques en janvier, la Banque mondiale et plusieurs dirigeants, dont la chancelière allemande Angela Merkel, le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, se sont engagés à de vastes augmentations du financement de l'adaptation aux changements climatiques.
"Les enseignements tirés de projets comme ceux de Djibouti guideront ces nouveaux investissements dans l'adaptation afin de protéger le plus grand nombre de personnes possible du point de rupture climatique qui ne cesse de se produire", explique Jessica Troni, responsable de l'unité de l'Adaptation aux changements climatiques du PNUE. "Le monde se prépare".
L'Assemblée générale des Nations unies a déclaré les années 2021 à 2030 comme la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes. Dirigée par le Programme des Nations unies pour l'environnement et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la Décennie des Nations unies est conçue pour prévenir, arrêter et inverser la dégradation des écosystèmes dans le monde entier. Cet appel mondial à l'action sera lancé le 5 juin, à l'occasion de la journée mondiale de l'environnement. La Décennie des Nations unies rassemblera le soutien politique, la recherche scientifique et la puissance financière pour intensifier massivement la restauration, dans le but de faire revivre des millions d'hectares d'écosystèmes terrestres et aquatiques. Visitez le site www.decadeonrestoration.org/fr pour en savoir plus.