Le PNUD sort son 1er Rapport sur le développement humain dans la Corne de l’Afrique

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La Corne de l’Afrique a le potentiel de transformer sa croissance et de renforcer sa capacité de résilience grâce à un commerce transfrontalier renforcé, une meilleure gestion des ressources et une gouvernance efficace.
Le tout premier Rapport sur le développement humain de la sous-région trace une feuille de route audacieuse pour Djibouti, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Kenya, l’Ouganda, la Somalie, le Soudan, et le Soudan du Sud, afin de maximiser leurs ressources et garantir un développement durable.
Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a lancé le rapport le 12 décembre dernier lors d’un webinaire mondial auquel ont participé des intervenants du Bureau de l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Corne de l’Afrique, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), du ministère de l’Économie et des Finances de Djibouti, du ministère fédéral de la Famille et des Droits de l'Homme de la Somalie, du ministère de l’Eau et de l’Énergie de l’Ouganda.
« Les pays de la Corne de l’Afrique disposent d’abondantes ressources humaines et naturelles qui restent inexploitées. Soixante-dix pour cent de la population de la région a moins de 30 ans, » a déclaré Abdallah Al Dardari, Sous-Secrétaire général des Nations Unies et Directeur du Bureau régional du PNUD pour les États arabes. « Si la sous-région exploite bien ses formidables opportunités en matière d’énergie renouvelable et de gestion de l’eau pour offrir à sa jeunesse une éducation et un emploi de qualité, elle pourrait faire un bond en avant en matière de croissance inclusive, libérer un grand potentiel de développement et renforcer la résilience aux chocs futurs. »
Le Rapport sur le développement humain dans la Corne de l’Afrique 2024, qui s’intitule « Renforcer les perspectives de développement humain par l’intégration régionale », examine les principaux défis du développement humain dans chacun des huit pays et dans la sous-région, ainsi que les perspectives de relever ces défis pour faire progresser le développement.
Le rapport note que les indices de développement humain (IDH) dans la sous-région sont inférieurs aux moyennes subsahariennes et mondiales, révélant des disparités importantes. Seuls le Kenya et l’Ouganda se classent parmi les pays à développement humain moyen, tandis que le Soudan du Sud et la Somalie se retrouvent derniers sur 193 pays. Et lorsqu’on les ajuste aux inégalités (genre, revenu et éducation), les scores de l’IDH sont encore diminués.
De la vulnérabilité aux opportunités
Le rapport met en évidence les principaux défis de la sous-région, notamment le chômage élevé, en particulier chez les jeunes, en raison d’opportunités socio-économiques limitées, de marchés du travail informels et d’une formation professionnelle inadéquate ; des lacunes dans l’accès à l’eau et à l’énergie, avec plus d’un tiers de la population manquant d’eau potable, et une large dépendance à la biomasse pour la cuisson ; une insécurité alimentaire généralisée exacerbée par la sécheresse, les conflits et l’instabilité économique ; et des chocs climatiques et des conflits sur les ressources qui déplacent des millions de personnes, sapant les moyens de subsistance et la stabilité.
Toutefois, le rapport met surtout en évidence des solutions prometteuses et interconnectées qui pourraient transformer la région.
« La Corne de l’Afrique est souvent considérée uniquement comme une région vulnérable, mais cela doit changer », a soutenu Ahunna Eziakonwa, Sous-Secrétaire générale des Nations Unies et Directrice du Bureau régional du PNUD pour l’Afrique. « Ce rapport montre comment la sous-région peut s’orienter vers les opportunités, la stabilité et la croissance inclusive, mettant ses habitants sur la voie de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030. L’avenir de la Corne de l’Afrique réside dans l’unité, des réformes audacieuses et des opportunités partagées. »
Une triade prometteuse
Le rapport présente trois domaines prioritaires qui peuvent accélérer le développement humain, renforcer la résilience et amortir les chocs et défis futurs, à savoir : l'augmentation du commerce intra-régional ; le renforcement de la collaboration dans les secteurs interdépendants de l'eau, de l'énergie et de l'alimentation ; et la promotion de la gouvernance et de la paix. Et ces trois domaines nécessitent une coopération régionale pour être efficaces.
Une augmentation du commerce intra-régional : La complexité actuelle des réglementations, l'insuffisance des infrastructures, l'informalité, l'instabilité politique et les conflits limitent le commerce entre les pays de la sous-région à seulement 12 % des exportations et 6 % des importations. Pourtant, le rapport souligne que les profils d'exportation complémentaires des pays de la Corne de l’Afrique, en particulier dans l'agriculture et l'industrie légère, offrent des opportunités pour améliorer la sécurité alimentaire, réduire les déficits commerciaux et diversifier les économies. Il suggère également que s'il est pleinement mis en œuvre, l'accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine, qui est entré en vigueur en 2021, pourrait stimuler le commerce en éliminant les droits de douane et en réduisant les mesures non tarifaires.
En s’appuyant sur la modélisation économique, le rapport suggère que la libéralisation du commerce au sein de la sous-région, avec la suppression des tarifs et des mesures non tarifaires, peut augmenter le PIB régional de 3,9 % et créer un million de nouveaux emplois d’ici 2030.
Réorienter la moitié de ces gains de PIB vers l’éducation publique et la santé pourrait faire progresser considérablement le développement humain. Pour débloquer ces avantages, les pays de la Corne de l’Afrique doivent donner la priorité à la coopération régionale, à la mise en œuvre efficace des politiques et à des investissements substantiels dans les infrastructures qui peuvent favoriser l’interdépendance économique et faciliter le commerce, comme les investissements dans les transports et la logistique.
Une gestion collaborative des ressources naturelles : de graves sécheresses, dont la pire depuis 40 ans (2018-2023), ont ravagé la sous-région et provoqué d’importantes pertes de bétail et une insécurité alimentaire aiguë pour des millions de personnes. Des lacunes importantes dans l’accès à l’énergie subsistent malgré la part élevée des énergies renouvelables dans le mix énergétique de la sous-région, en grande partie issues de l’hydroélectricité mais avec des investissements croissants dans le solaire, l’éolien et la géothermie.
Le rapport souligne qu’une meilleure collaboration régionale sur la gestion des ressources et le développement des infrastructures dans le domaine de l’eau, de l’énergie et de l’alimentation est essentielle pour favoriser une croissance durable et la résilience climatique – en améliorant l’accès à l’énergie, en particulier à l’électricité, aux systèmes d’eau transfrontaliers partagés et en renforçant les chaînes de valeur alimentaires en s’appuyant sur des cadres tels que l’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine.
Une gouvernance efficace et la consolidation de la paix : le rapport souligne que l’amélioration de la gouvernance et de la consolidation de la paix dans la Corne de l’Afrique nécessitera de donner la priorité à l’inclusion, à la responsabilité et aux droits de l’homme, tout en s’appuyant sur les mécanismes régionaux pour assurer le développement durable et la stabilité. Il souligne que les efforts de gouvernance locale dans certains pays de la Corne de l’Afrique, tels que la dévolution et la décentralisation, ont donné du pouvoir aux citoyens et amélioré la responsabilité, tandis que des processus électoraux transparents et inclusifs ont contribué à renforcer la confiance des citoyens dans l’État.
La nouvelle étude suggère en outre que des liens économiques plus forts entre les pays de la Corne de l’Afrique peuvent renforcer l’engagement en faveur de la stabilité régionale, tandis que les initiatives de gouvernance des frontières, comme la Stratégie de gouvernance des frontières de l’Union africaine, peuvent aider à prévenir la militarisation et à favoriser la coopération transfrontalière.
Le rapport appelle les gouvernements, les organisations régionales et les partenaires au développement à accorder la priorité aux investissements dans les infrastructures, la gestion des ressources et les cadres politiques qui favorisent le développement humain et la résilience.
Les faits sont clairs : un engagement collectif en faveur de l’intégration régionale, de la gestion durable des ressources et d’une meilleure gouvernance peut faire de la Corne de l’Afrique un modèle de résilience et de progrès.
Découvrez le rapport: https://go.undp.org/Jga
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