Aicha a fait exciser l’une de ses filles ; aujourd’hui elle regrette et participe activement dans la lutte contre l’excision, une pratique d’un autre temps.
Aicha à 40 ans et elle est maman de trois enfants, deux filles et un garçon. Elle vit avec son mari et ses enfants dans un petit Toukoul, une hutte faite à partir de branchages et recouverte de nattes tressées dans le village d’Orobor dans la région d’Obock.
Aicha a été excisée quand elle était petite. Elle a été infibulée ; la pire forme de mutilation génitale féminine (MGF) également appelée « excision pharaonique » qui consiste à sectionner les grandes lèvres après avoir coupé le clitoris et les petites lèvres. Cette forme, comme les autres, a des conséquences dramatiques sur la santé sexuelle des femmes, provoque des traumatismes et parfois même la mort.
« On m’a excisée quand j’étais petite donc je ne m’en rappelle plus mais tout ce que je sais c’est qu’on m’a infibulée » raconte Aicha.
Quand j’ai atteint la puberté, lors de mes premières règles, j’ai souffert. Plus tard, le jour de mon mariage ça a été une catastrophe aussi. Enfin, lors de mes accouchements, on m’a déchirée puis on m’a recousue.»
Malgré ces souffrances, Aicha n’a pas hésité à emmener l’une de ses filles pour se faire exciser. Le poids de la tradition. Aicha explique que c’est traditionnel, sa grand-mère et sa mère sont excisées ; donc elle aussi.
« J’ai amené ma fille chez l’exciseuse et c’est là que j’ai découvert ce qu’on coupait, ce qu’on faisait aux filles, et comment on le faisait. C’était vraiment horrible de voir cela. » se souvient Aicha. Avec des regrets, Aicha s’est demandé pourquoi elle avait emmené sa fille mais c’était trop tard pour qu’elle puisse réagir.
A Djibouti, l’excision touche près de 70% des filles et femmes âgées de 5 à 50 ans. Les programmes et les actions menés depuis plusieurs années ont contribué à la baisse du taux de pratique des MGF, notamment au niveau national avec pour tous âges confondus un passage de 93% en 2012 à 71%[1] en 2019. Le résultat le plus marquant est celui de la tranche d’âge de 0 à 9 ans qui est passé de 72% à 22% sur la même période. Il reste cependant des inégalités par rapport à la pratique des MGF en milieu urbain et en milieu rural, où le taux reste plus élevé.
Les efforts se poursuivent pour l’abandon total des MGF, notamment par les autorités du pays accompagnées de la société civile, avec le soutien de l’UNICEF et l’investissement des donateurs, dont l’Union Européenne.
Aujourd’hui, le projet FEMFI a une composante dédiée à l’abandon des MGF qui est mise en œuvre par le Ministère de la Femme et de la Famille avec l’implication du Ministère des Affaires Musulmanes, de la Culture et des Biens Waqfs et de l’Union Nationale des Femmes Djiboutiennes, l’appui technique de l’UNICEF et de l’UNFPA, grâce au financement de l’Union européenne. Ce programme a pour objectif principal de protéger les filles et les femmes contre toute forme de violence, en particulier les MGF, et renforce les capacités locales pour fournir des services de qualité pour la prévention et la protection holistique des filles et des femmes touchées par les MGF.
Dans ce cadre, et pour faire face aux risques liés aux MGF, des dialogues communautaires sont régulièrement organisés et ils regroupent des hommes et des femmes, des religieux et des chefs traditionnels autour de la lutte contre les MGF. Aicha a eu l’opportunité d’y participer. « Grâce à la sensibilisation, j’ai appris que c’était une pratique néfaste qui n’avait rien à voir avec la religion. J’ai donc décidé de ne plus toucher à mes filles, et de protéger aussi les filles de mes frères et sœurs », explique Aicha.
Aicha est fermement et totalement engagée dans la lutte contre les MGF. « Je suis très contente d’avoir reçu cette sensibilisation, je suis très contente d’avoir ouvert les yeux et désormais, je protégerai mes filles pour le reste de leur vie ».
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